Quand le jeu mobile impacte les conditions de travail en Corée

Avec l'explosion du jeu mobile (notamment au détriment du MMO), les développeurs coréens doivent s'adapter à des cycles de développement courts et intenses. Parfois au détriment des salariés auxquels on impose des cadences de travail de moins en moins acceptées en Corée.

Drapeau sud-coréen

La France n'est pas la seule nation qui vient d'élire son prochain président. En Corée du Sud également, les électeurs se sont exprimés et ont finalement désigné Moon Jae-in (candidat de centre-gauche et ancien avocat spécialiste des droits de l'homme) pour succéder à Park Geun-hye, l'ex-présidente coréenne actuellement incarcérée en attente de son procès pour corruption et abus de pouvoir.
Et si la campagne présidentielle en Corée s'est notamment articulée autour des relations tendues avec la Corée du Nord de Kim Jong-un, le nouveau président de Corée du Sud Moon Jae-in s'est aussi fait élire sur son programme social et économique. Car si la Corée du Sud est l'une des principales puissances économiques d'Asie (notamment grâce à son industrie des nouvelles technologies emmenée par Samsung, faisant notamment à la part belle à l'industrie vidéo ludique), le pays se heurte aussi à des difficultés économiques et à un taux de chômage croissant -- notamment imputés à l'émergence du jeu mobile.

Longtemps, l'industrie coréenne s'est focalisée sur le développement de MMO, des jeux d'envergure, longs et couteux à concevoir mais ensuite exploités sur de très longue durée et reposant sur un modèle de services plus que de production -- le meilleur exemple en est sans doute le premier Lineage, exploité depuis presque une vingtaine d'années par NCsoft et générant toujours l'essentiel du chiffre d'affaires du géant coréen. On constate néanmoins aujourd'hui une popularité croissante du jeu mobile, qui repose sur des cycles de production très différents, bien plus courts, et auxquels les développeurs locaux peinent à s'adapter -- et parfois au détriment de leurs salariés.

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Selon les développeurs locaux, un jeu mobile doit être conçu en moyenne en six mois (contre environ quatre ans pour un MMO), imposant donc des cadences de développement particulièrement élevées (les studios disent alors entrer en « crunch mode » durant lesquels les salariés ne comptent plus leurs heures) : en février dernier, Netmarble, l'un des principaux leaders du jeu mobile en Corée, suscitait ainsi l'ire des Coréens l'obligeant à faire marche arrière et annoncer très officiellement que le « travail forcé la nuit et le week-end » ne serait plus imposé à ses effectifs. Idem maintenant chez WeMade, qui entend lancer Icarus Mobile (la version mobile du MMO Icarus Online) avant la fin de l'année : pour tenir les délais, le studio demandait à ses salariés d'assurer des horaires de 10h à 21h (30 minutes de pauses étaient généreusement octroyés pour diner), du lundi au samedi, jours fériés inclus, jusqu'à novembre prochain. Il était prévu de payer les heures supplémentaires, mais sous réserve qu'Icarus M sorte dans les délais annoncés (à défaut, les salariés devraient les rembourser). Là encore, face à la gronde populaire, WeMade vient d'annoncer faire marche-arrière.

Au-delà des exemples qui tranchent avec les pratiques occidentales, selon les représentants de l'industrie coréenne du jeu mobile, ces méthodes s'imposent car le secteur est confronté à une concurrence féroce (le nombre de jeux mobiles lancés chaque semaine est pléthorique, d'autant que le marché est inondé par la production chinoise) et les salariés coréens sont donc rudement mis à contributions pour éviter les faillites de studios les plus modestes -- les petites et moyennes entreprises de l'industrie du jeu sont les premières touchées. Les « crush modes » seraient donc nécessaires pour que les salariés puissent conserver leur emploi, alors que le taux de chômage progresse en Corée.
En plus des tensions diplomatiques avec la Corée du Nord influencées à la fois par la Chine et les Etats-Unis, le nouveau président Moon Jae-in devra aussi faire face aux exigences sociales et économiques de l'industrie du jeu, l'une des premières du pays du matin calme et qui cristallise les attentes sociétales de la population locale.

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